Une nouvelle approche de la correction numérique des systèmes audio

Fondements

Notre méthode de correction a été développée suite à des essais infructueux avec les méthodes traditionnelles pour améliorer la qualité d'écoute d'enceintes équipées d'un haut-parleur large bande. La difficulté posée par le haut-parleur large bande vient de son diagramme de directivité qui présente de nombreux "accidents" dans le haut du spectre. Pour rappel la directivité caractérise comment l'enceinte émet les sons dans toutes les directions. L'interaction entre les enceintes et la salle d'écoute a été étudiée par de nombreux auteurs et la directivité des enceintes est un paramètre fondamental. Une synthèse de ces études est disponible dans la référence  [1]

La conclusion est qu'il est fondamental de respecter deux critères pour obtenir une restitution réaliste lors d'une écoute domestique :

  • les enceintes doivent délivrer un son neutre suivant l'axe principal d'écoute
  • le champ réverbéré par la salle doit être homogène par rapport au son direct (avec une atténuation progressive dans les autres fréquences)

Sans entrer dans les détails, nous allons rappeler le raisonnement qui conduit à ces deux principaux critères.

Quand nous écoutons un système stéréo dans une pièce, nous ne recevons pas uniquement le son direct provenant des enceintes mais aussi de multiples réflexions dues aux murs et objets présents dans la pièce. Cela est parfaitement visible sur une mesure à la position d'écoute :

Le son direct qui parvient à nos oreille (impulsion principale sur le graphique) doit être le plus fidèle possible par rapport au message à reproduire, en particulier en ce qui concerne l'équilibre tonal. Le contenu fréquentiel des réflexions qui arrivent ensuite à nos oreilles dépend directement du digramme de directivité des enceintes et de la configuration de la pièce. Ces réflexions ont une forte influence sur l'écoute car elles représentent la plus grande portion de l'énergie acoustique transmise. Si elles apparaissent séparées du son direct sur une mesure, nous ne les entendons pas séparément car notre cerveau les regroupe avec le son direct. Cependant elles vont modifier notre perception du timbre si leur contenu fréquentiel est différent du son direct.

 

C'est la première raison pour laquelle il faut que le son réverbéré ait un bon équilibre tonal. La deuxième raison est liée au mécanisme qui nous permet de détecter les distances via notre audition : la perception de distance est basée sur l'analyse par notre cerveau des sons réfléchis. Sans aucune réverbération il est impossible d'estimer une distance via notre système auditif. Comme expliqué dans la référence [2] notre cerveau utilise le ratio entre niveau du son direct et niveau du son réverbéré pour évaluer les distances. Dans le cadre d'une écoute hifi nous devons nous assurer que la perception de la distance entre le point d'écoute et les enceintes ne viendra pas perturber les autres informations de distances incluses dans le son à reproduire. Pour cela il faut que le système d'écoute imite ce qui se passe dans un environnement naturel et pour lequel notre cerveau est entraîné, à savoir : le son réverbéré doit ressembler au son direct avec une atténuation régulière vers les hautes fréquences (car l'amortissement des ondes sonores est plus important aux hautes fréquences)

S'il y a une déviation par rapport à cet objectif pour certaines fréquences, notre perception de la distance entre point d'écoute et enceintes ne va plus être correcte et par conséquence cela va occulter les informations spatiales incluses dans le message audio à reproduire.

Par contre si l'on respecte bien ce critère d'homogénéité, notre cerveau va avoir tendance à occulter l'impact de la salle et l'illusion d'image sonore sera bien présente.

 

En résumé, si nous voulons à la fois protéger le timbre et les informations spatiales incluses dans le message sonore à reproduire, nous devons avoir des enceintes ayant à la fois un son neutre suivant l'axe principal et une directivité progressive. Cela est bien illustré par le graphique ci-dessous tiré de la référence [3]

Il est difficile d'atteindre cet objectif car les réponses en fréquence de l'enceinte dans l'axe principal et hors de cet axe sont liées par conception et on ne peut modifier l'une sans modifier l'autre.

Prenons l'exemple d'une enceinte 2 voies : la réponse dans l'axe peut être parfaitement plate par l'optimisation d'un filtre passif ou par l'utilisation d'un filtre numérique. Cependant la réponse hors axe va dépendre du diagramme de rayonnement de chaque haut parleur et de leur sommation dans la zone où les deux haut parleurs rayonnent ensemble. Cela peut être contrôlé jusqu'à un certain niveau par le choix des haut-parleurs et du filtre mais jamais au point de maîtriser parfaitement la réponse hors axe de l'enceinte.

 

C'est pourquoi la réponse en puissance (moyenne du rayonnement dans toutes les directions) des enceintes 2 voies présente en général un creux dans la zone de recouvrement du filtre quand leur réponse dans l'axe est plate. Cela est illustré par le graphique suivant qui montre le ratio entre le son réverbéré et le son direct pour une enceinte 2 voies (Cf. [4])

 


La correction numérique

Les méthodes traditionnelles de correction numériques sont basées sur des filtres qui ne modifient que le son direct et il faut donc choisir entre préserver un son neutre dans l'axe d'écoute ou favoriser une réponse en puissance équilibrée alors que nous avons vu que l'idéal est de contrôler les deux.

 

Notre procédure de traitement numérique du signal libère cette contrainte et permet un contrôle indépendant du son direct et du son réverbéré. Cela est illustré par l'exemple ci-dessous d'une enceinte avec haut-parleur large bande ou une méthode de correction traditionnelle est comparée avec notre technique avancée :

On voit bien que la méthode standard a tendance à compenser le manque d’énergie du champ réverbéré au delà de 5000Hz en augmentant le niveau du son direct dans cette zone de fréquence, mais sans grand succès car le son réverbéré présente toujours un "creux". Par opposition notre méthode permet de préserver le son direct et d'avoir un son réverbéré bien homogène pour toutes les fréquences. A l'écoute cela permet de préserver à la fois le timbre et la dimension spatiale du message sonore.

 

Voici un autre exemple cette fois-ci sur une enceinte 3 voies plus conventionnelle et dont l'ajustement des haut-parleurs et filtre conduit à un manque d'énergie du champ réverbéré dans la zone de 2 à 7 kHz :


Les bénéfices

Timbre

Notre méthode permet d'obtenir un son neutre grâce à l'optimisation à la fois du son direct et du son réverbéré. Les modes de salles particulièrement problématiques dans les basses fréquences sont aussi corrigés.

Rythme

Nous intégrons une correction de phase qui permet d'obtenir une impulsion se rapprochant le plus d'une impulsion de Dirac. La meilleure cohérence de phase sur tout le spectre permet de préserver le "rythme" du signal original.

Image sonore

L'image sonore est fortement améliorée par la combinaison du respect de la phase et de l'équilibre entre son direct et réverbéré. 

 

Nous proposons aussi une version avec correction de la diaphonie qui rend la scène sonore encore plus réaliste pour les enregistrements "binauraux" mais aussi la majorité des enregistrements "acoustiques" stéréo.

 


Références

[1] S. Linkwitz, “The Challenge to Find the Optimum Radiation Pattern and Placement of Stereo Loudspeakers in a Room for the Creation of Phantom Sources and Simultaneous Masking of Real Sources”, Presented at the AES 127th Convention 2009 October 9–12 New York, NY, USA

 

http://www.linkwitzlab.com/AES-NY'09/The%20Challenge.pdf

 

[2] G. Martin blog on B&O technical stuff

 

http://www.tonmeister.ca/wordpress/2014/09/20/bo-tech-near-far/

 

[3] E. Geddes, “Directivity in Loudspeaker Systems”

 

http://www.gedlee.com/Papers/directivity.pdf

 

[4] D. Howard & J. Angus, “Acoustics & Psychoacoustics”

 

http://www.amazon.co.uk/Acoustics-Psychoacoustics-Music-Technology-Howard/dp/0240516095